Forum Grand Corps Malade et slam

Bon, ce n'est pas du tout un slam. Cela fait longtemps que Tim me dit que je devrais écrire à un ami imaginaire. Alors on a eu cette idée de le faire à 2 et de parler du temps ancien où on écrivait les menues choses. Tim a eu l'idée de situer cette correspondance pendant la guerre, et d'en faire une histoire d'amitié peut être perdue. Merci à lui

Cher ami...

22 juin 1915
Je vous écris depuis le jardin, depuis cette petite table sous la tonnelle où vous aimez tant poser vos pinceaux quand vous peignez les roses. L'été s'annonce dans la douceur du soir qui n'en finit pas d'arriver. Les jours allongent et le parfum des fleurs se fait plus présent...

15 juillet 1915
…quand le matin s'attarde sur un duvet de brume comme s'il voulait préserver dans un timide et diffus voile doré les rêves d'une nuit magique.
Quand le soleil plus insistant veut rendre hommage au ballet nocturne des lucioles, parsemant ici et là sur les gouttes de rosée quelques étincelles éblouissantes.
C’est en ces instants si exquis où tout semble renaître d'une moisson de lune que j'aime tant à relire vos lettres…

25 juillet 1915
Ce tantôt, je suis allée jusqu'au vieux lavoir, écouter le bruit ténu de l'eau et essayer de trouver un peu de fraîcheur loin du soleil ardent. Il y avait des coquelicots tout le long du chemin, dont le rouge claquait comme des cris de joie. Je me suis penchée sur leurs corolles fragiles et leurs cœurs noirs. J'ai pensé à vous...

31 juillet 1915
…j'imagine en vous lisant le reflet de vos yeux teintant d'émeraude l'eau si claire de ce lavoir.une envie irrésistible de me baigner dans la douceur de votre regard, d'y étancher la soif de notre profonde amitié. J’y ressens l’air pur et doux du battement de vos cils, comme une caresse apaisante, un berceau de sérénité.

20 septembre 1915
Je n'ai rien fait aujourd'hui. J'ai juste ouvert les fenêtres sur le jardin, j'ai laissé entrer le ciel, les nuages et les odeurs. J'ai écouté le silence. Je me suis assise sur votre fauteuil, et j'ai regardé le jour avancer. Je n'ai rien fait d'autre qu'ouvrir ces fenêtres, et c'est comme si vous étiez soudain revenu...

.....

28 septembre 1915
Ce matin, une petite pluie très fine s'est accrochée sur une toile d'araignée, et l'a fait briller comme une nappe d'argent. J'ai regardé longtemps cette lumière étincelante accrochée dans le rosier, cela a éclairé ma journée...

.....

20 novembre 1915
J'ai allumé la cheminée ce soir, j'ai tendu mes mains froides aux flammes pétillantes, le feu était un peu bavard, il sifflait et craquait: le bois n'est pas très sec. Mais cela m'a tenu compagnie, un peu.
Vous me manquez

......

19 mars 1916
Madame,
J’ai lu vos anciennes lettres que ma sœur a trouvé sous mon oreiller et celles encore scellées que vous m’avez envoyées. Si mon corps n'a pas trop souffert des balles ennemies, mon esprit s'est un peu perdu, ma mémoire s'est hélas brisée en mille éclats: je ne me souviens plus de vous…

Etes-vous donc cette dame si belle, si présente sur mes toiles ? J'aimerais tant vous connaitre...vous reconnaitre… Je prends conscience en écrivant ces mots de tout le chagrin que vous aurez en les lisant. J’en suis désolé. Mais… peut être pourrons nous faire renaitre un jour ce sentiment de profonde amitié jadis partagé... je me sens prêt à écrire notre nouvelle histoire, vous sentez vous suffisamment forte pour tout avoir à réécrire ?

3 avril 1916
…Cette guerre est si horrible, broyant les destins, comme la meule écrase les grains de blé, sans état d'âme, avec une obstination aveugle... Elle efface les vies…les souvenirs…ou change les êtres. Je ne sais plus désormais si je suis l’amie que vous espérez .
Je viendrai vous voir bientôt. Nous regarderons ensemble vos tableaux, et si c'est bien mon sourire qui s'y trouve, je vous raconterai notre passé et nous ferons à nouveau connaissance…
C'est au printemps qu’enfin je reçois de vos nouvelles…serait-ce un signe ?