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jolis textes
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Azam Ali 3/12/2020 19:20 a écrit:
🌹I AM THE DAUGHTER OF THIS LAND OF LOVE🌹
There was a time in the east
when we used to drink
from gilded chalices
And wisdom
flowed in our rivers
as if sourced from infinity
Our night sky hid within her folds
a myriad stars
she never named
And the sun to which we awoke
through our poets
let illumination prevail
What treason, what agony
we have known
in seeing this light diminished
In seeing the once hallowed roads
that drew the world to us
abandoned
May the sun rise in my east again
may her moon once again
shine undimmed
May I gaze
upon her unnamed stars
and see in them those who prevailed
May I conquer this oblivion
that has robbed me
of my kin
For I am the daughter
of this land of love
may her season come once again
Jean-Yves Terrien 3/12/2020 19:45 a écrit:
Je suis la fille de cette terre d'amour
Il fut un temps dans l'est
Lorsqu'on buvait
Dans des calices dorés
Et la sagesse
Coulait dans nos rivières
Comme si elle provenait de l'infini
Dans les plis de notre ciel nocturne se cachait
Une myriade d'étoiles
Qu'elle n'a jamais nommé
Et le soleil sous lequel nous nous réveillions
A travers nos poètes
Laissait l'illumination prévaloir
Quelle trahison, quelle agonie
Nous avons subit
En voyant cette lumière décliner
En voyant les routes autrefois sacrées
Qui ont attiré le monde à nous
Abandonné
Que le soleil se lève à nouveau dans mon est
Que sa lune soit une fois de plus
Brillante, intacte
Puis-je regarder
Ces étoiles sans nom
Et voir en elles celles qui ont prévalues
Puis-je vaincre cet oubli
Qui m'a volé
A mes proches
Car je suis la fille
De cette terre d'amour
Que sa saison revienne
Merci Azam pour cette soirée.
A+JYT
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nouga a écrit:
combien ai-je noircis de pages, depuis ce jour où ma vie à basculé, plus de douze ans d'âge , donc non frelaté, j'écris des cris des sons des mots, le temps qui passe, et puis l'imaginaire ce décor que je ne cesse d'inventer
quelque part c'est une chance de s'évader avec son stylo son clavier, une façon de conjurer le sort de se sentir vivant dans une vie de retraité à plein temps
la peur ne m'a jamais saisi, le doute oui, et l'impression fugace de n'être qu'un énième écrivaillon à la petite semaine
Mais quoiqu'il en soi l'important je vous le confie , c'est de se dire, peut être je suis parvenu à émouvoir , faire rire
l'essentiel dans l'existence c'est de prendre plaisir
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Тарас Шевченко (Taras Shevchenko) a écrit:
Минають дні, минають ночі
Les jours passent, les nuits passent.
Les jours passent, les nuits passent,
Les bruissements de l'été passe,
Feuilles jaunies, yeux fanés,
Les pensées se sont endormies, le cœur s'est endormi,
Et tout s'est endormi, et je ne sais plus
Est-ce que je vis ou pas,
Est-ce que je traîne à travers le monde,
Parce que je ne pleure plus et ne ris plus ...
Là où tu es! Mais où es-tu?
Il n'est pas,
Quand bien désolé, Dieu,
Donne le mal! le mal!
Ne laisse pas le marcheur dormir,
Gèle ton coeur
Telle une bûche pourrie
Couchée dans le monde.
Et laisse-les vivre, vivre avec leur cœur
Et aimer les gens,
Car sinon ... ils maudiront
Alors éclaire le monde!
C'est effrayant de tomber dans des chaînes,
De mourir en captivité,
Et pire encore - de dormir, dormir
Et dormir en grand,
Car tu t'endors pour toujours
Et le sentier ne sera pas abandonné
En aucune façon,
Que tu ai vécu ou soit mort!
En bas, où es-tu, en bas, où es-tu?
Il n'est pas!
Quand bien désolé, Dieu,
Donne le mal! le mal!
A+JYT
PS: traduit de l'ukrainien par ...
Dernière modification par sekaijin (28-03-2021 19:31:16)
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Texte de Nicolas Delesalle dont j'aime la plume et le regard sur l'humain
Parfois, à la faveur d’un rangement de printemps, on tombe sur de vieux documents, des lettres, des poèmes, des carnets de notes, de petites machines à remonter le temps, découpées dans du papier jauni. Entre mes mains, un article de presse, l’un des premiers que j’aie écrit. « Don Quichotte en pirogue » : c’est le titre. Été 1997. Lady D n’a plus qu’un mois à vivre. Je travaille pour Sud-Ouest. Stage d’été à la Rochelle entre les deux années de l’école de journalisme de Lille.
Ce matin-là , on m’a envoyé rencontrer un étrange bonhomme au Port des Minimes. Il s’appelle André G., il a 81 ans, il porte un bob sur la tête. Yeux bleus, mutins, déterminés. « Magnétiques », ai-je écrit dans l’article. C’est un bricoleur, un inventeur, un poète, un drôle de loustic. Il vient présenter à la presse (moi) sa dernière invention. Un machin flottant inspiré des pirogues à balancier polynésiennes, conçu avec des morceaux de planche à voile, des arcs de wishbone, des tuyaux de PVC, reliés par des tendeurs et des ficelles.
L’ancien prof de maths a baptisé son radeau « Berceau Archimède ». Dans les tuyaux de PVC, André a glissé des bouteilles en plastique. Il est très fier de son idée : « Si le PVC craque, les bouteilles feront office de chambres étanches. »
Je me souviens d’un homme de plus de 80 ans au débit mitraillette dont l’énergie communicative faisait tourner la tête du tout jeune homme que j’étais. Il se parlait à lui-même en étrennant sa pirogue, ponctuait ses explications de « Okay boy ? », ou de « Not bad, not bad ! ».
Je relis les citations dans l’article : « Vous savez, j’ai toujours aimé les voyages, j’étais prof à Hanoï, à Diên Biên Phu en 1957, je peux aussi vous parler des Comores, de Tahiti où j’ai passé 6 ans. Les cyclones dans la gueule, ça forge la santé. Ce bateau, c’est une façon de dire aux retraités : regardez ce qu’on peut faire à 81 ans, la vie ne s’arrête pas à la retraite, il y a un service après-vente ! » Il parlait de tout, Las Vegas, jeu du Mécanos, Samaritaine, Madagascar, des sujets de conversation sans rapport apparent, mais André les liait ensemble dans une même sauce, avec un sourire, un clin d’œil, « Okay boy ? Not bad, not bad ».
J’étais sur le cul. Ce type en sandales était beaucoup plus jeune que moi. Il voulait que les vieux quittent les maisons de retraite pour foncer en Australie : « Là -bas, vous louez un camping-car, vous traversez le pays avec un détecteur de métaux, il y a des tonnes d’or à ramasser, comme de la poussière en plus lourd. »
J’étais étourdi par la faconde du vieil homme : « Les vieux doivent cesser de partir comme des couillons pour des voyages de 8 jours. Okay boy ? Vous pouvez aussi louer pour un an une maison en Caroline du Nord, ça coûte rien, 20 000 francs peut-être. Not bad. » Ses mains longues virevoltaient dans l’air. Il était plein de vie, plein de projets.
Dans l’article, je le présentais comme un Don Quichotte poétique flottant sur son âne dans le port des Minimes, un doux-dingue perché dans le monde des idées, je ne parvenais pas à le prendre au sérieux, j’étais trop jeune, trop vert, trop cynique, revenu de tout sans être parti nulle part.
Lui, il s’en foutait de mes sourires ironiques : « Le monde reste à découvrir. Aux Comores, il y a des poissons dont la chair empêche le vieillissement. Le monde fourmille d’endroits merveilleux. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi aucun type de La Rochelle n’a encore fait la plus belle balade du monde dans la forêt primaire de Nouvelle-Zélande. »
Je n’ai plus jamais entendu parler d’André. Que reste-t-il de cette rencontre ? Cette idée d’aller chercher de l’or en Australie quand mes os seront vieux. Et puis un article photocopié et conservé parce que c’était l’un des premiers, sauvés plusieurs fois de la poubelle au fil des déménagements par des arbitrages d’une seconde. « Allez, je le garde ».
J’ai oublié le visage d’André, sa voix, ses traits. Je n’ai jamais oublié sa jeunesse, sa force, cette vitalité incroyable, et puis son ingénierie poétique. Il fallait le voir pagayer sur sa pirogue de bric et de brocs qui coulait déjà dans le port alors qu’il visait l’Amérique.
Hier, je suis retombé sur cet article. Et pour la première fois depuis 1997, j’ai eu envie de savoir ce qu’André était devenu, s’il restait de lui quelques traces sur Internet. Il avait 81 ans quand je l’ai rencontré.
J’ai découvert que la force d’André n’était pas feinte, sa philosophie de l’action n’était pas la lubie d’un vieux dingue. Elle l’a porté loin. André est mort l’année dernière à l’âge de 103 ans. J’ignore tout ce qu’il a accompli pendant les 23 ans qui ont suivi notre rencontre.
Sans doute plein de trucs un peu fous pour le porter jusqu'en l'an 2020. Okay boy. Not bad, not bad at all
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Mot d'adieu de Axel Khan
LE BOUT DU CHEMIN.
L’attitude face à la mort lorsqu’elle n’est pas d’actualité est très diverse selon les êtres.
La plupart des gens jeunes en exorcise jusqu’à l’idée, ce qui constitue une mesure d’auto protection efficace. Cette insouciance de la mort est à peine entamée par les deuils des anciens, rangés dans une autre catégorie que les vivants.
Certains à l’inverse vivent dans la terreur de la camarde qui jette son ombre sur leur vie entière.
Les métiers de la mort ( pompes funèbres, fossoyeurs, notaires...) la banalisent et s’en dissocient en général. De même les soignants et médecins. Je suis dans ce cas, la mort m’est habituelle depuis si longtemps, elle ne m’obsède pas.
Il n’empêche, j’ai depuis longtemps la curiosité de ce que sera mon attitude devant la mort. Il y a ce que l’on désire qu’elle soit et ce qu’elle est. Des croyants sincères qui ne doutent pas du royaume de Dieu sont submergés par la terreur lorsqu’elle s’annonce.
Tel n’est pas mon cas. Je vais mourir, bientôt. Tout traitement à visée curative, ou même frénatrice, est désormais sans objet. Reste à raisonnablement atténuer les douleurs. Or, je suis comme j’espérais être : d’une totale sérénité. Je souris quand mes collègues médecins me demandent si la prescription d’un anxiolytique me soulagerait. De rien, en fait, je ne ressens aucune anxiété. Ni espoir - je ne fais toujours pas l’hypothèse du bon Dieu -, ni angoisse. Un certain soulagement plutôt.
Selon moi, limiter la vie au désir de ne pas mourir est absurde. J’ai par exemple souvent écris que lorsque je ne marcherai plus, je serai mort. Il y aura un petit décalage puisque je ne marche plus, mais il sera bref. Alors, des pensées belles m’assaillent, celles de mes amours, de mes enfants, des miens, de mes amis, des fleurs et des levers de soleil cristallins. Alors, épuisé, je suis bien.
Il a fallu pour cela que je réussisse à « faire mon devoir », à assurer le coup, à dédramatiser ma disparition. À La Ligue, j’ai le sentiment d’avoir fait au mieux. Mon travail de transmission m’a beaucoup occupé, aussi. Je ne pouvais faire plus. Je suis passé de la présidence d’un bureau national de La ligue le matin à la salle d’opération l’après-midi. Presque idéal.
Alors, souriant et apaisé, je vous dis au revoir, amis.
Axel le loup. #axelkhan
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Quiétude
Il n'y aura pas de regrets
Pour les fleurs du soir qui abandonnent leur dernière de leur rosée.
Il n'y aura pas de larmes
Versées dans la chambre de ton cœur où je me tenais autrefois.
Il n'y aura pas de chagrin
Pour les feuilles d'automne qui sont mortes dans ce lieu enfin calme.
Il n'y aura pas de tombe
Pour l'amour qui n'a jamais eu la chance de s'épanouir.
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très touchant et beau
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encore Azam Ali ce matin
Azam Ali a écrit:
🌹 SCHISME 🌹
Avec le temps, l'amour s'atrophie de désillusions
Créé un schisme entre amoureux
Comme un gouffre entre la lumière et les ténèbres
L'amour devient ce qui nous sépare
Contre cette cage de chair et d'os
Nos secrets se trahissent mutuellement
Jusqu'à ce que le silence inonde les distances nous séparant
Enterre la vérité qui reste indicible
Pourtant dans ce fossé affamé
Entre esprit et chair
Dans le théâtre vicieux de la vie
Ce promet un dernier appel derrière le rideau
Le sang de la vie continue de palpiter vaillamment
De notre cœur à nos veines
Remplissant les fissures atrophiées
Car c'est là que l'amour certain fleurit encore une fois
A+JYT
PS: Je reste toujours sans savoir que dire face à ses écrits.
Dernière modification par sekaijin (29-05-2021 17:44:55)
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Ana Alcaide a écrit:
Rêves
Expliquez-moi l'infini à votre manière
Rendez-moi les ailes qui mènent à l'impensable
Montrez-moi le chemin des fleuves éternels, des lieux perdus que j'oubliais
Rêves
Rappelez-moi le mystère prodigieux qui nous soutient
Regardez-moi comme la sage fillette que j'étais et suis toujours
Déchirez mes masques
Montrez-moi sur votre carte le chemin de la source
Rêves
Accordez-moi le repos des spirales du monde
Aidez-moi à oublier l'adversité pendant une minute et rappelez-moi encore la légèreté, la fugacité d'un éternel instant
Rêves profonds et infinis
N'arrêtez jamais de me provoquer
N'arrêtez jamais de vous souvenir de moi
Ne vous arrêtez pas une seule nuit à ma chimère de lumières et d'ombres
N'arrêtez pas d'annoncer que c'est moi qui vous choisis quand je décrète vous éclairer et de vous amener à la réalité de mon esprit
Ana Alcaïde
Ana Alcaïde a écrit:
Sueños
Explicadme el infinito a vuestra manera
Devolvedme las alas que llevan a lo impensable
Mostradme la senda de los rÃos eternos de los lugares perdidos que fui olvidando
Sueños
Recordadme el misterio prodigioso que nos sostiene
Miradme como la niña sabia que fui y sigo siendo
Arrancadme las máscaras
Señaladme en vuestro mapa el camino hacia la fuente
Sueños
Concededme el descanso de las espirales mundanas
Ayudadme a olvidar la adversidad por un minuto y recordadme de nuevo la levedad la fugacidad de un instante eterno
Sueños profundos, infinitos
Nunca paréis de provocarme
Nunca dejéis de recordarme
No detengáis ni una sola noche mi quimera de luces y sombras
No dejéis de anunciarme que yo soy la que os elijo cuando decreto iluminaros y llevaros a la realidad desde mi mente
Ana Alcaide
Et la musique qui va avec
Dernière modification par sekaijin (06-06-2021 18:10:55)
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khalil Gibran a écrit:
أعطني الناي وغن
أعطني الناي و غن
فالغناء سر الوجود
و أنين الناي يبقى
بعد أن يفنى الوجود
هل اتخذت الغاب مثلي
منزلا دون القصور
فتتبعت السواقي
و تسلقت الصخور
هل تحممت بعطر
و تنشفت بنور
و شربت الفجر خمرا
في كؤوس من أثير
أعطني الناي و غن
فالغناء خير الصلاة
و أنين الناي يبقى
بعد أن تفنى الحياة
هل جلست العصر مثلي
بين جفنات العنب
و العناقيد تدلت
كثريات الذهب
هل فرشت العشب ليلاً
و تلحفت الفضاء
زاهداً في ما سيأتي
ناسيـًا ما قد مضى
أعطني الناي و غن
فالغناء عدل القلوب
و أنين الناي يبقى
بعد أن تفنى الذنوب
أعطني الناي و غن
و انس داء و دواء
إنما الناس سطور
كتبت لكن بماء
Donne-moi la flûte et chante
Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est le secret de l'existence
Et la complainte de la flûte restera
Après la disparition de l’univers
As-tu, comme moi, pris la forêt
Pour demeure au lieu des palais ?
Et as-tu suivi le cours des ruisseaux
Et escaladé les rochers ?
T’es-tu baigné de parfum
Et séché de lumière ?
Et as-tu bu l’aube comme du vin
Dans une coupe d’éther ?
Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est la meilleure des prières
Et le complainte de la flûte restera
Après la disparition de la vie
T’es-tu, comme moi, assis l’après-midi
Entre les plants de vignes
Dont les grappes pendent
Comme des lustres dorés ?
As-tu, la nuit, pris l’herbe comme couche
Et le ciel pour couverture ?
Renonçant à ce qui adviendra
Oubliant ce qui est passé
Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est intégrité pour les cœurs
Et le complainte de la flûte restera
Après la disparition des péchés
Donne-moi la flûte et chante
Et oublie maux et remèdes
Car les Hommes ne sont que des lignes
Ecrites mais avec de l’eau
Pour vous donner un aperçu de la beauté de ce texte en version originale, en voici une interprétation en musique par Azam Ali
Atini Alnay Wa Ghanny
A+JYT
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Marine Landrot de télérama, demande à la romancière Agnès Desarthe
Qu’aimez-vous tant dans la pratique de la musique ?
Le fait de pouvoir reprendre pour corriger. Quiconque a vécu des événements bouleversants aime retourner en pensée au moment qui a précédé la tragédie. On dit « la vie continue », mais non, la vie s’arrête, et on reprend ailleurs. En musique, on peut reprendre à l’endroit d’avant la catastrophe et repartir de ce point-là . J’aime cet effet d’apaisement de la douleur, qui passe par la réparation. J’ai une série de doubles croches à un tempo très rapide, je trébuche et, à force de revenir dessus, j’y arrive, je passe, j’avance.
Une autre chose me bouleverse : la musique disparaît dès qu’elle apparaît. Quand j’écoute du classique, je guette certaines modulations, mais elles ont déjà disparu quand je les retrouve. J’ai toujours l’impression d’essayer de capturer une émotion qui n’a pas de place dans le temps. L’éprouvé de la musique est à l’image de l’éprouvé d’une vie. On ne va nulle part et on y va très vite. C’est tellement beau et pourtant déjà fini.
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Viens, on dirait qu'on aurait quatre jours, d'accord ? Rien que toi et moi et ce serait pour de rire. Et pas seulement.
On aurait Bruges par exemple. Ou Amsterdam ? Ostende ? Venise, on se le garderait pour le printemps et les palais.
Ou alors on pourrait louer cette maison de l'Ain faite de galets, de torchis, de bois et de tommettes, celle-là , "rustique à souhait" et ça nous irait bien, il y aurait vaguement une télé grosse comme un cartable et on s'en foutrait, il y aurait plus ou moins internet et on s'en foutrait, il y aurait même des bouquins mais on amènerait le nôtre, celui qu'on lit tandis que l'autre ferme les yeux et se laisse embarquer dans cette histoire soyeuse se déroulant à mi-chemin entre le Japon et Manosque et quand ce serait à son tour de faire la lecture à l'autre, je peux te dire qu'on s'appliquerait à arrondir nos voix, à les rendre bien basses et à organiser lentement une tanière faite de ces mots qui fondent et de virgules languissantes.
On prendrait des huîtres, du foie gras et du pain de bonne farine, ce qu'il faudrait de Bourgogne blanc pour tenir un siège, un coffret de calligraphie Shodo composé de bâtons d'encre sumi, d'un puits tangchi venu des mines de Mazikeng, de quelques pinceaux, et de cet haïku sidérant de la poétesse Yóko Ichigatani :
"Jusqu’à ce que mes cils
gèlent
je lève les yeux vers l’aurore"
En bas, il y aurait un grand poêle à bois que nous allumerions dès l'arrivée tant l'hiver cognerait fort aux carreaux et qui ronflerait son comptant de bûches sifflant sous la brûle et les craquements braises. En haut, il y aurait une chambre avec un grand lit, mais on ferait comme à chaque fois, on déménagerait tout. La place du lit, c'est en face du feu non ? Un lit situé à vingt mètres d'une cheminée et même pas au même étage, franchement, ça n'aurait pas de sens, qu'en penses-tu ?
Et puis peut-être le second ou le troisième jour, je profiterais de ta paresse au sortir d'une sieste, je ferais glisser ta chemise de nuit en bas de ton dos mais tu n'aurais pas froid grâce au poêle, je mouillerais le pinceau d'eau glacée et d'encre très noire, je jouerais de sa tête-flocon froide en effleurant ta peau, peut-être t'agacerais-je de manière plus osée encore en frôlant ces deux framboises fermes, le creux des épaules, celui des omoplates, juste à l'orée de l'aine, je te ferais frissonner et prendrais bien mon temps, j'attendrais que vraiment tu ne puisses plus faire autrement que supplier mais j'attendrais encore, et l'assurance du trait venue, j'écrirais sur ton flanc :
極光を仰ぐ睫毛の凍るまで
"Jusqu’à ce que mes cils
gèlent
je lève les yeux vers l’aurore"
Viens, on dirait qu'on aurait quatre jours, d'accord ?
Eric Celoin
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quatre jours d'éternité
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"Mais ici, (dans le hangar de Libourne où les postiers traitent les courrier perdus, note de nicole) les digues tombent : on cherche un indice, le moindre nom ou fragment d’adresse suceptible d’identifier le destinataire. Courrier administratif, bulletin de paie ou de fiscalité, on se passerait bien de la plupart des courriers égarés. Mais parfois, des morceaux de vie s’échappent d’une enveloppe. Une série de photos de familles en noir et blanc adressée à une dame très âgée en souvenir de ses morts. Un cri de solitude, «les enfants sont si loin, ils sont occupés à la fac ». Une lettre d’amour, et une autre de rupture. Et puis il y a ces lettres sans destinataires livrées au destin : « 9 rue de l’amour, 33 000 les âmes », en guise d’adresse. « Cher Mike, nous allons vers la fin, mais je ne peux te le dire. Je me sens en paix. Merci, pardon, désolée, je t’aime ». Il y en a pour huit pages de bouteille à la mer, qu’un certain Mike ne lira jamais. Ici, on les appelle « les lettres thérapeutiques ». Ce centre du courrier égaré pourrait bien être celui des destins croisés, ceux qui se ratent, ceux qui se croisent et ceux qui ne s’écrivent jamais."
Coline Renault (journaliste Charlie Hebdo)
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