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C'est l'histoire d'une toute petite fille
Repérée dans une salle de gym
Avant l'âge de la raison
Elle aimait bien jouer au billes
Mais encore plus avec son dos faire le pont.
Peu à peu l'école, les copines, les goûters
Ont perdu de leurs attraits et de leur clarté
Ce qui égayait sa routine
C'était un nouveau mouvement acquis
Alors elle dessinait l'esquisse d'un sourire timide.
Mais il devint de plus en plus rare
A force de concentration
Au fur et à mesure des compétitions
La peur de rater devint son pire cauchemar
Et la peur de décevoir...
Souplesse et agilité étaient lÃ
Pérsévérance pointait aussi son nez
Alors elle fut propulsée dans le groupe A
Celui qui promettait dans la durée
De remporter tous les championnats.
L'entraineur avait tant d'espoirs, championne elle sera
Ils la préparait durement, la voix militaire, le regard noir
Elles répétait 20 fois les mêmes gestes tous les soirs
Apprivoisait courageusement le dépassement de soi
Mais s'éteignait peu à peu son regard.
Elle se nourrissait d'exercices difficiles
D'une discipline qu'elle acceptait, tellement docile
Travailler dur pour progresser
Tomber, pleurer, mais toujours recommencer
Elle rentrait épuisée, les nerfs de plus en plus fragiles.
Ses parents ne pouvaient voir
Son enfance qui se voilait
L'entraineur leur avait communiqué ses espoirs
Et les premières médailles les avaient comblés
On est à l'apogée, au milieu de l'histoire...
Ensuite, encore plus de peur, encore plus de sanglots
Et quand c'était trop impressionnant
Sa maman se cachait les yeux jusqu'aux applaudissements
Son papa lui continuait de prendre des photos
Pour remplir ses albums et les murs de son bureau.
Comment dire au revoir à cette brillante destinée
Tout avait semblé être si bien tracé
Mais son corps ne suivait plus la cadence
Dans sa petite tête il y avait maintenant la présence
D'une limite: une souffrance...
Il y eut des larmes, des éclats de voix
Et en une soirée tout fut décidé
Elle passa dans le groupe B
S'entraina quelques mois non loin du groupe A
Sa souffrance amplifiait.
Ses parents la changèrent de club, voyant les choses qu'à moitié
Ne comptèrent pas les kilomètres pour la remotiver
Tout au fond d'elle la page était déjà tournée, mais
Elle a voulu sans vraiment le vouloir, leur faire croire trop d'années
Que tout pouvait recommencer.
Elle finissait un peu par le croire
Formatée... Il faut insister, ne pas encore décevoir
La vie est un combat à gagner
Elle n'a pas fait tout ça pour abandonner
Elle a tellement souffert, un jour ça doit payer.
Que de pensées illusoires
Quand on ne peut accepter
Alors la réalité a du se charger
De lui faire voir
La vérité.
Clermont-Ferrand, championnat de France, mois de mai
5 fois en tout elle sera tombée
Ses bras l'avaient définitivement lâchée
C'était inutile de se cramponner
La fin était presque enfin arrivée.
Après, elle a continué quelques temps l'entrainement
Jusqu'à s'en dégouter vraiment totalement
Aujourd'hui le deuil n'est pas encore fait, très lentement elle se remet
De ces chutes... Et la colère ne l'a pas quittée
Contre ceux qui n'ont pas tout compris: ses parents.
Et depuis à leurs yeux elle voudrait
Briller comme à ses 8ans.
Dernière modification par écriturienne (11-11-2014 19:30:03)
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Transfer des parents sur leur enfant avec les conséquences que l'on sait, et tous les jours cela recommence dans tous les pays
pauvre humains
ton texte montre bien les limites de la betise
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merci nouga, tu as bien compris ma volonté de "témoignage pour que ça change"...
Dernière modification par écriturienne (09-11-2014 20:52:49)
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trés joli texte c'est vrai que c'est dommage de vouloir faire de ses enfants des champions alors qu'il voudrait garder le plus longtemps possible leur ame d'enfant
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le transfert des parents. Souvent pour faire de leur enfant ce qu'ils ne sont pas parvenus à faire.
Ca me fait un peu penser à un reportage sur Laure Manaudou qui montrait une réelle souffrance.
Ton texte est une petite histoire comme il en arrive souvent. Trés bien écrit, on imagine trés bien cette petite fille.
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Merci Hélène et Sandrine pour vos réponses. J'ai hésité avec le titre "championne tu seras" parce que oui, transfert, mais aussi "embrigadement", car les parents peuvent être pris dans un engrenage d'espoirs toujours plus grands... à en oublier leur petite fille qui ne sourit plus... et finalement penser, ressentir à sa place... être heureux à sa place...
Dernière modification par écriturienne (09-11-2014 22:51:37)
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Tu parles de Nadia ou d'une autre? j'hasite à cause de Clermont Ferrand
mais c'est vrai que ton texte est universel, tous les parents cherchent une revanche sur la vie en poussant leurs enfants, meme ceux qui n'ont pas l'impression de le faire.
on veut tous du "mieux" pour ses enfants, et tous les enfants veulent aussi briller aux yeux de leurs parents.
c'est la triste histoire de l'enfant idéal et des parents idéalisés
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C'est marrant (façon d'parler).
Je jurerais que tu parles de ma sœur.
Du coup, j'ai vraiment eu l'impression de vivre ton texte.
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Ton texte est très touchant Ecriturienne . Oui on veut ce qu'il y a de mieux pour nos enfants mais est on est apte à décider pour eux ce qui est mieux ? Laissons les faire ce qu'ils ont envie tant que c'est possible et ils seront beaucoup plus épanouis ( à mon avis )
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Dans batman begins : le père de B. Wayne lui demande : Pourquoi tombons nous?
Je pense que les chutes c'est le moyen de se relever. de se révéler...?
Et de voir la vie, sa vie comme à l'age des premiers pas avec mystère et grandeur.
Et je dirais pas qu'il faut tomber pour grandir mais au moins elle cherche une autre façon d'être.
tactac badaboum c'est moi..
Exact ! Ou Fabien qui dit : " on se casse la gueule à coup sûr quand on apprend à marcher"
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Je me vois dedans ... De 12 à 19 ans cyclisme, gros potentiel, de plus en plus de pression, 19 ans pétage de plomb...
Je pense que tu parles de toi, les parents qui poussent c'est bien mais il faut qu'ils aient la lucidité de voir quand il n'y a plus de plaisir, car sans le plaisir il n'y a plus d'envie ...
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Assez d'accord avec Nicole.. Je pense, " mais ça n'engage que moi," que les deux doivent apprendre à s'écouter, la communication et la confiance peuvent être des atouts essentiels mais difficiles à créer. Je crois qu'il y a des choses qu'on apprend lorsque que l'on devient parents, et d'autres qu'on oublie un peu.. Finalement c'est un peu comme prendre de l'âge, on perçoit certaines choses sous un autre angle.
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et oui je parle de moi mma mais je voulais que cette histoire ait un écho "universel" et je lis avec plaisir que c'est ce que vous avez ressenti comme itess qui a l'impression que je parle de sa sœur ou encore mma qui s'est aussi reconnu.
nicole, tu as hésité avec Nadia Comanecci car tu sais que je lis le livre qui parle d'elle en ce moment, et qui m'a inspiré ce texte (mon vécu de petite gymnaste est remonté de plein fouet à sa lecture) et aussi mon titre (le livre a pour titre: la petite communiste qui ne souriait jamais... pour ça je lui ai ressemblé en tout cas! j'étais pas une petite fille très souriante... maintenant je souris beaucoup plus )
Moonz, pour les vertus de la chute, je suis d'accord dans le fond, mais pas pour ses 5 chutes qui m'ont vraiment détruites à Clermont-Ferrand. Je pense qu'elles n'étaient pas nécessaires car il aurait fallu comprendre plus tôt que je n'étais plus heureuse dans cet engrenage... alors oui, c'était implorer une autre façon d'être... aimée... sans médaille, sans podium... mais fallait-il en arriver là ? car je suis toujours aujourd'hui en train de me battre pour me relever de ça...
Dernière modification par écriturienne (10-11-2014 21:12:53)
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je peux pas te dire, je voulais parler de la chute dans mon com parce que ton texte parle de ça en parti et que le reste je ne peux pas te dire... désolé. mais j'imagine qu'avec ton courage qui transpire de tes textes, tu dois t'en sortir, mieux que tu ne le crois.
Ecriturienne, je sentais que tu parlais de toi parce que j'ai l'habitude de ta plume auto-biographique.
On sent les espoirs qu'avaient tes parents et ton entraîneur en toi... A 8 ans, tu m'étonnes que ça te fout la pression...
Mais toujours cet aspect de compétition, de perfection, qui revient... Toujours...
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kamui, c'est pour ça que dans le slam, je ne suis pas tournoi Plaisir est mon unique moteur
Dernière modification par écriturienne (10-11-2014 22:38:49)
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Je comprends totalement ta vision des choses. Et je la partage... Mais je fais les tournois par plaisir et pas par esprit de compétition !
Dernière modification par Kamui - Le Bégayeur (10-11-2014 22:42:14)
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Joli texte ecriturienne, belle progression chronologique de l'histoire avec focalisation sur sur les éléments importants à l'anticipation de la conclusion. Bravo!
Alors, les parents, bien sur mais ne sommes nous pas tous responsables quand "on" s'émerveille peu être un peu trop devant la prestation d'un enfant, en sport, sur scène ou même en écriture ? Combien Il est difficile de trouver la Voie du milieu entre le soutient et la poussée, pourtant rien ne se fait de grand sans un travail acharné au détriment surement de tant d'autres choses, alors faut il faire très très bien une chose en adoptant la stratégie de l'élitisme qui permet de briller en société ou vaut il mieux être "moyen" mais riche de tant d'autres choses et rester "noyé" dans l'anonymat ? L'enfant ne sait pas trop lui même, les parents non plus peut être, le groupe alors donne peut être le sens de la direction. Et c'est ainsi que l'on se trouve avec ce que l'on appelle des champions quand tant d'autres ont été cassés en chemin.
Ton texte aborde un sujet très intéressant et tu l'as bien amené Ecriturienne. Bravo.
Vincent V
Dernière modification par Vincent V (11-11-2014 09:25:41)
Merci beaucoup vincent pour ton commentaire et ta fine reflexion de ce sujet qui est comme tu le dis en fait, "sujet de société"... Il y aura toujours des champions et des championnes tant que le spectacle plaira... alors attention tout de même à ne pas voir que le côté "exploit physique" en oubliant le côté mental qu'il faut pour supporter la pression, les enjeux... restons attentif et sensible à l'humain... en particulier aux plus jeunes qui acceptent et souffrent en silence... pour en souffrir encore 20 ans après...
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Je crois qu'il ne faut pas mettre la barre trop haute un point c'est tout !
Et je pense à ces nana qui font concourir leurs gamines pour être Miss ! Déplorable !
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le concours des miss... encore pire dans la réduction à n'être plus qu'un corps soumis à la notation...
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