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J'ai retrouvé un petit carnet très fin que mon grand père tenait pendant la guerre de 14 quand il était au front dans les tranchées.Il était sergent, et il note les noms des hommes d'une section où il a été un temps: sur 19, il y a 7 blessés...les autres sont morts... il rajoute "tué" avec la date, derrière le nom....
Il raconte succintement ses mouvements et les lieux où il va, et d'où il garde "de tristes souvenirs" (c'est tout ce qu'il en dit) Il ne raconte que cette chose qui a dû le choquer encore plus que les tranchées : un obus français tombant sur sa section au cours d'un passage de canal, "tuant un type et blessant un autre".
Et puis au milieu du carnet, une fois qu'il était à Nassau, en Allemagne en octobre 18, il a pris le temps de noter 2 chansons qu'il avait écrites...
Des rimes pour oublier l'horreur...
Je me permets de les partager ici telles qu'il les avaient écrites pour les faire revivre
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Aux Halles ou: Tout autour des Halles
1er couplet
IL est minuit et Paris en toilette
Sort des théatres, cinés ou casinos
Les uns s'en vont souper faire la fête
Tandis que les autres regagnent leur dodo
Au mileu de cette cohue
S'mélant aux taxis aux autos
Des chars pleins de choux, d'carottes et laitues
Descendent le long du sébasto
"Aie donc cocott'" crie le maraicher
Faut arriver le premier au marché
Refrain
Tout autour des Halles
Lorsque descend la nuit
Le maraicher déballe
Des légumes, des fleurs, des fruits
Dans le matin pâle
Vers le ciel monte un cri
C'est le réveil de notre Paris
Aux Halles....
2eme couplet
Mais à Montmartre temple de l'harmonie
Où l'on se grisait de champagne et d'amour
Toute la nuit dansant, chantant des folies
Le bal fini, l'aube annonce le jour
Puis c'est la bombe, la vadrouille
On va aux Halles: "ça colle? ça y est
Cocher faudra que tu te grouilles
Sans ça qu'est-ce qu'on va te passer!"
"Aie donc cocott'"grognait le colignor
"Tout ça c'est surement des marchands de marrons"
2eme refrain
Tout autour des Halles
Quand finissait la nuit
Des femmes au teint pâle
Recherchant encor' le bruit
Allaient, tristes vestales
Au corps jeune mais flétri
C'était la débauche du grand Paris
Aux Halles....
3eme couplet
LÃ dans un coin c'est une pauvre fille
Hélas pour elle le destin fut odieux
Un peu plus loin c'est un homme en guenille
Pour l'atelier on le trouvait trop vieux..
Maintenant c'est le Jean Misère
Faisant tout pour pas mourir de faim
D'un rupin il ouvre la portière
Courbe le front et puis tend la main
"Aie donc cocott', aie donc" crie le cocher
le rupin s'en va, le vieux n'a rien touché
refrain
Tout autour des Halles
Cherchant le moindre abri
LÃ sur la grande dalle
Le mendiant vient faire son nid
Et dans la nuit pâle
Quel est ce ramassis?
C'est la misère du grand Paris
Aux Halles...
Fait à Nassau le 26 octobre 1918
Zouzou (Joseph Théodore Longhi)
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Le tango argentin
Un soir à Tabarin
L'orchestre avec entrain
Attaque une danse nouvelle
Quand un bel argentin
Avisant un trottin
Lui dit "Voulez vous m'zelle?"
La gosse baissant les yeux
Ne demandait pas mieux.
"Mais j'ignore cette danse" dit-elle
Aussitôt le beau garçon
L'enleva sans façon
"je vais vous donner une leçon"
1er refrain
Pour danser le tango argentin
Joli trottin l'on se donne la main
On se recule et on s'avance
Puis ensuite l'on recommence.
Vous avez, joli petit trottin
Minois charmant oui c'est certain
De la souplesse et de l'élégance
Pour danser le tango argentin
2eme couplet
Tout à coup l'argentin
Dit au petit trottin
Si vous le vouliez, belle française
Venez chez moi sans façon
Terminer la leçon,
A moins que cela ne vous déplaise.
Ils filèrent sans bruit
Puis une fois chez lui
La gosse afin de se mettre à l'aise
Enleva sans émotion sa robe et son jupon
Mais garda son pantalon
2eme refrain
Pour danser le tango argentin
Le petit trottin jusqu'au matin
Se fit battre la cadence
Avec beaucoup d'éloquence
Si bien que quand le jour survint
L'américain sacré matin
Etait au bout d'éloquence
Pour danser le tango argentin
3eme couplet
De la gosse cette nuit
La vertu s'envola
Mais ce n'est pas cela qui la bile
Elle gagne des monacos
En dansant le tango
Elle donne des leçons par la ville
Cette danse du jour
Prédispose à l'amour
Et comme pour la danser c'était facile
Mesdames en rentrant chez vous
Ce soir avec vos époux
Dansez là c'est de bon goût.
3eme refrain
Pour danser le tango argentin
Jolis trottins on se donne la main
On se recule et on s'avance
Puis ensuite l'on recommence
Si parfois l'on s'arrete en chemin
L'amour malin avec entrain
Vient remettre la cadence
Pour danser le tango argentin
Fait à Nassau le 26 octobre 1918
Zouzou (Joseph Théodore Longhi)
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TON GRAND PERE SEMBLAIT AIMER LA VIE;la description de l'abondance des le petit matin sur le marché des halles forme un rude contraste avec la penurie pendant la guerre,vecue par les gens de conditions modeste.Et puis le cocher qui relie et passe convoyant les fetards,au milieu de la pauvreté.La pauvreté ignoré dans sa chanson.Une vue d'ensemble d'un petit matin parisien entre un lieu de fete et les halles.La description d'un trajet.........Avec le meilleur et le pire,comme la vie.....
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c'est extra de pouvoir retrouver ce genre de témoignage, ça transpire le vrai paris !
c'est super!
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Je comprends ton émotion moi aussi!
Y'a quelques mots qui m'ont donné du mal, merci google, et j'adore particulièrement le tango argentin, c'est une de mes danses préférée et Zouzou (merci d'avoir aussi retranscrit ça, tu connais ma position sur les pseudos!) en a fait une très jolie chanson pleine d'amour, même si le texte décrit finalement une danse en prétexte pour la drague!!! J'adore!
Merci encore Nicole de partager ces textes, mes grands-parents auraient surement appréciés le premier texte ayant vécue la guerre là -bas!
=)
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ton papy avait du talent, le Paris de cette époque avait du charme, en bref c'est super bien decrit , ecrit
j'aime beaucoup
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Je me joins aux autres pour te dire merci d'avoir partagé les textes de ton grand pères , et ça me conforte a l'idée que en dépit de toutes choses, l'art sous quelques formes que soient, est le meilleure des exutoires , fort bien écrit et décrit comme dit eki.
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Merci Nicole pour le partage
Et bravo à lui ses écrits sont éternels et peuvent encore voyager des mains en mains, de coeurs en coeurs...
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Wow, le deuxième texte il est si romantique
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Merci à tous de les avoirs lus, j'étais très émue en découvrant cela. J'espère juste que le "fait à Nassau" daté et signé (tout le monde l'appelait Zouzou) veut bel et bien dire que c'est lui qui les a écrites, ça me ferait mal au coeur de vous tromper.
Mais qu'importe au fond, c'est un signe de nos aïeux qui arrive du passé... et je les ai postés là dans ce sens, en hommage à lui, et à tous ses "camarades intimes tombés sur le front à la campagne du 11 juin au 15 octobre 1918" dont il note les noms en décembre 18, à Ell, Luxembourg avec soin pour ne pas les oublier.....
Je me souviens que sous le duo sous forme de correspondance que j'avais fait avec Timorititi, et que nous avions situé pendant la guerre de 14 justement, Austral avait écrit
austral-didjeridu a écrit:
Les correspondances durant la grande guerre devaient s'écrire ainsi, focalisant l'esprit du combattant sur des beautés simples et éphémères pour se préserver, pour garder l'espoir, pour rester un humain. J'ai vu beaucoup de choses sculptées sur tout et n'importe quoi comme matériaux dans les tranchées, choses plus belles les unes que les autres...
Visiblement, ceux qui ne savaient pas sculpter écrivaient "pour rester humain"
(Mon grandpère a eu une citation en septembre 18 pour son courage, et des médailles. Il est mort en 74, en état de légume, le cerveau bouffé par un médicament qu'il avait accepté de tester pour soigner son parkinston ...)
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Très émouvant...
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woooow 1918!!!
Beaucoup d'emotions oui...
"des rimes pour oublier l'horreur". LE paradox entre la beute, la fraicheur et la joie de vivre dans ces lignes...par rapport à l'horreur de la guerre dans laquelle il était plongé. C'est fort!
Merci ma Nicole pour le partage!!
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Bonjour Nicole,
J'ai lu et apprécié. Très beaux textes écrits en situation pas facile. Textes décrivant parfaitement le Paris de l'époque (souvenir j'imagine) avec ses joies mais aussi, hélas, ses peines.
Au fond, ils sont toujours d'actualité si l'on veut un peu se pencher sur la vie menée par certains de nos jours.
Amitié, Claude
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Chapeau bas à ton défunt grand-père,à mon avis l'amour de l'écrit était dans les gènes,pas étonnant qu'ici tu sois notre nounou!!!
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c'est génial d avoir des trésort de famille comma ca merci pour l'partage dans ses textes on sent le temp d'avant c'est kiffant ca sent la réalité de l'époque!
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je me permets de remonter ces chansons parce que je viens de trouver par hasard l'histoire d'une sépulture de 20 soldats et officiers britaniques du même village, enterrés bras dessus bras dessous, unis par la camaraderie jusque dans la mort et oubliés parce que ceux qui les avaient enterrés ont été envoyés se faire tuer plus loin.
Quelques chiffres sont incroyablement sinistres: (ont-ils donné des cauchemars de remord à l'état major?
"La bataille d’Arras, commencée le 9 avril, et qui se termine le 15 avril 1917, a un goût de désastre. Elle aura coûté 142 000 morts aux Britanniques et Canadiens qui ont réalisé une percée de 6 kilomètres sur la ligne de front et 85 000 morts aux Allemands pour avoir tenté de l’empêcher !"
Voir leur histoire ici http://www.athies.fr/Les-Oublies-du-Point-du-Jour.html
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impressionnant ces chiffres
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Merci pour ce magnifique partage ... C'est une chance d'avoir retrouvé ce carnet ces écrits sont un souvenir intemporel
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Les lois de la guerre, la loi des chiffres ...
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c'est affolant on vois le décalage del'époque ca devait etre reéllement l'enfer j pense qu'aprés une exp comme ca nos grand doivent meme pas conprendre nos simulateur sur console drole d'époque certain dirait j réagis comme un vieux con ben j suis un jeune con-scient j répondrait ! lol enfin j crois meme pas a tous ske ferait car j m éclate a butté des types sur jeu de console j m éclate a matté des film ou tout l monde se trucide toute cette violence exsite mais wow juste un chiffre refroidis plus que tout les truc harcore que j'ai pus m enchainé...
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Un up aujourd'hui, parce que "Si tous les morts français défilaient en rangs par quatre, il faudrait 6 jours et 5 nuits avant que le dernier ne nous montre sa face livide" (C'est Tardi qui raconte ça dans "C'était la guerre des tranchées") et que certains ne se recueillent plus en souvenir que ces jeunes morts (ils avaient entre 18 et 40 le plus souvent) mais huent et chahutent comme s'il n'y avait plus de symbole.
(une pensée pour Vélocirapttor qui avait fait des recherches sur son grand père du coup)
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intemporel;)
un tant pour elle
bises
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c'est un très bel héritage que t'a laissé ton grand père Nicole. Ces mots sont si précieux
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Pensées pour mon grand père, qui le 11 novembre 1918, aux tranchées, n'a pas eu à manger dans son trou avec ses camarades, parce que les cuisines à l'arrière faisaient la fête...
J'ai lu l'autre jour un carnet de guerre, et il est écrit
"Pluie - boue - pourriture
Du gris morne le jour
un noir d'encre la nuit.
(...)
Ecrivez moi
C'est ce qui nous fait croire que nous sommes encore des hommes"
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Par delà la souffrance et les années il t'a transmis un bien bel héritage. Comment les carnets et leurs mots précieux comme autant de témoignages auraient-ils pu ne pas te marquer durablement? Je me souviens que tu as écrit un jour sur ce sujet. Sans doute dans un des ateliers d'écriture.
Pensées à ton grand-père et tous ceux qui se sont sacrifiés.
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C'est très émouvant !
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