Forum Grand Corps Malade et slam

Ma nuit n'est pas prêteuse. Oh non, pas du tout. Egoïste à souhait, solitaire, ma nuit n'en est pas pour autant une dormeuse car elle est éphémère.
Ma nuit s'écarte des sentiers battus au profit des chemins tortueux, elle a souvent l'odeur poisseuse de la rue où se perdent les oublieux.
Ma nuit nie tout mes agissements quand la pleine lune me semble floue, comment pourrait-il en être autrement, ma nuit n'est pas mon garde-fou.
Ma nuit s'étire, dénuée de sens, elle s'étend à loisir et contemple ses amants qui s’abandonnent à leur démence par pur plaisir.
Ma nuit me nuit jusqu’à ce qu’elle s’amenuise. Parfois elle m’ennuie et n’en fait qu’à sa guise. Je veux la contrôler mais elle me fuit, ma nuit est juste mon autre vie.
Ma nuit m’est nécessaire, fidèle complice ponctuelle de mes errances guerrières. Elle m’enveloppe, me désespère et m’amuse. Elle sait me retenir où tout laisser sortir lorsque j’abuse.
Ma nuit n’est pas jalouse de ses concurrentes, elle m’aime seul mais tolère mes amantes. Elle n’est pas monogame, elle est polymorphe, et lorsque je révise mes drames, elle sait se faire amorphe.
Ma nuit me drape de sa solitude, elle donne à mes désirs de nouvelles aptitudes et si je titube hurlant mes envies à son grand manteau noir, elle me laisse le choix du bonheur, ou du désespoir.
Ma nuit préfère l’hiver, je le devine. Il lui donne plus de temps. Le soleil courbe l’échine et son règne est imminent. Elle s’installe, profonde et ténébreuse dans cet immense espace désertique et sait me rendre heureuse car sa couleur m’est sympathique.
Ma nuit c’est moi et ce que je veux en faire. Une dizaine d’heures de cauchemar ou de véritables repères.
Et tôt ou tard inévitablement, ma nuit s'illumine, brumeuse, doucement, elle fait grise mine mais heureuse, elle garde jusqu'à son retour prochain, mes secrets, mes déboires, mes soupirs, mes espoirs, mes erreurs, mes douleurs, et comme un éternel refrain, ma nuit averti mes matins.