Forum Grand Corps Malade et slam

en une du canard, une invitation pour la foire
ou le tir au pigeon est l’obsession première
de vétérans ayant fait la guerre des boutons
devenus saltimbanques sans braquer de banque
un peu comme le cordonnier bien mal chaussé
qui de la botte voit l’Italie à marée descendante

alors du haut de ses 9 ans le poulbot déclame
plus tard je serais le boss  de la forteresse
et le ticket d’entrée sera de passer l’aspirateur
malheur a celui qui «  é pericoloso sporgersi »
c’est dire s’il sera le futur parrain de la mafia
des trains pas comme les autres, é vero

faut dire que par saison chaude, le soleil tape
sur la tête de l’histrion qui se trompe de rôle
l’empêchant de grandir, de retenir la leçon
du corbeau et du renard, ou alors il confond
avec la version originale du coupeur de citron
pendant la mi-temps de mon ami Mmma

Dans le hameau perdu de la font du loup, il y a un drôle de saltimbanque qui s'est installé dans une maison abandonnée.
On dit qu'il est coupeur de feu, un peu rebouteux aussi. Il aime faire le bien.
Il ne faut pas d'invitation pour entrer chez lui, ce n'est pas une forteresse, la porte est toujours ouverte, quelque soit la saison.
Un canard et un jars servent de carillon pour avertir du visiteur, et le voici arrivant, les bottes crottées de ses courses forestières et des sentiers où il aime marcher. (Je parle de bottes, mais on voit qu'il ne fait pas faire fortune au cordonnier du village !)
Son salon n'a jamais connu l'aspirateur, d'ailleurs ce n'est même pas un salon, il a assemblé quelques meubles de récupération et des caisses qui servent de table basse et d'étagères.
Le confort est succinct mais l'homme est plaisant, toujours intéressant à écouter, même quand il parle de son obsession de la guerre.
Il avait 9 ans quand il s'est trouvé les yeux à 10 cm de la petite gueule noire et glacée d'une mitraillette, de quoi le faire grandir d'un coup...
Il s'en est fallu de peu qu'il soit aligné avec des hommes contre le mur, mais il y avait quelqu'un derrière le petit trou noir qui avait jugé qu'il était trop jeune.
Il se souvient de tout. Ce jour de foire villageoise, puis les autos qui arrivent, les cris soudain, les ordres brefs, les hommes alignés et les tirs...
Et le silence ensuite comme une marée basse soudaine.
A quoi ça tient ? Une pitié pour un et pas pour les autres, la guerre est une belle saloperie, une fabrique de monstres.
Monstre, chacun peut l'être au fond de soi, sans que ça paraisse ni dans l'âme ni dans les yeux, c'est quelque chose qui dort en soi sans que même on le sache, et qui sort quand on est obligé de porter un uniforme pour tuer son pareil. Une sorte de renard qui soudain nous bouffe le foie et le coeur, et contre lequel on ne peut pas lutter.


(nb "le petit trou noir" sont les mots que mon père employait)

Bravo à tous les deux! Toujours un plaisir de vous lire! Souvent matière à méditer...

Je me ferai saltimbanque et l’attirerai par mes numéros les plus fous,
Je me ferai cordonnier pour créer pour lui les meilleures chaussures,
Quelque soit la saison, le coefficient de marée et même la guerre,
Je marcherai vers lui, suivrai le vol des canards, la piste du renard.
Je bâtirai une forteresse 9 ans s’il le faut pour l’abriter et le bercer.
Quelque soit son obsession je lancerai l’invitation avec conviction,
J’organiserai une foire où trouver tous les remèdes au mieux-être,
Les machines les plus incroyables, les aspirateurs à idées noires.
Je deviendrai coupeur de blé, lieur de bottes, semeur de bonheur,
Alors il verra renaître, grandir l’espoir et s’y plongera avec délice.

génial vos textes je me régale, c'est beau!!

Miss, voilà un texte très souriant comparé au précédent sur tes nuits. Nous aurons presque vu naître tes neveux et vécu l'épanouissement de leur tata au fil des messages et textes.