Forum Grand Corps Malade et slam

L'importun

Il me dit
J'aime pas trop les noirs
Ni les arabes ni les roumains
Les grecs les suisses et les bulgares
Ni même d'ailleurs les américains
Il me dit
J'aime pas trop les jaunes,
Ni les anglais, ni les français.
Tous ceux du Sud, tous ceux qui chôment
Ni même d'ailleurs les hollandais.
Il me dit
J'aime pas les pédés
Ni les bi, ni les travelos
Les abstinents et les frustrés
Ni même d'ailleurs les hétéros
Puis j'aime pas les blondes
Les brunes, les rousses, les aut'couleurs
J'aime pas ceux qui veulent sauver l'monde
Tous ceux qui disent d'écouter ton cœur.

Mais pour moi nous sommes tous les mêmes
On courre, on crie, on pleure, on s'aime,
Qu'importe la couleur de ta peau
Ou la couleur de ton drapeau
C'qui compte c'est derrière tes yeux
Comment tu vois ceux qui t'entourent
Comment tu donnes c'que t'as de mieux
Quelques sourires et de l'amour
Alors je dis
Je suis raciste,
j'aime pas tout c'qui est pas humain
Les chiens, les chats et les génisses
Et les insectes qui n'servent à rien.
Mais r'gardes nous tu me ressembles
On n'fait jamais que vivre ensemble
Sur une terre qui parfois tremble
À force d'entendre la haine qui flambe

Il me dit
J'aime pas les artistes
Les intellos, les politiques
Tous les marxistes, capitalistes
Ni même d'ailleurs les excentriques
Et puis j'aime pas les banquiers
Les avocats et les médecins
Les commerçants, les policiers
Ni même d'ailleurs ceux qui font rien
J'aime pas trop les catholiques
Ni les juifs, ni les musulmans
Tous les athées, tous les laïques
Ni même d'ailleurs les pratiquants.
Et il me dit
Je n't'aime pas toi
Tu m'as l'air du genre qui pense
Qui réfléchit plus qu'il ne doit
Et qui a pas grande expérience

Mais pour moi le voyage s'arrête
Au fonds, il a raison peut-être
J'ai pas vraiment d'expérience
De beaux discours, une belle science,
Et comme je le regarde dans les yeux
Je réalise combien il souffre
Et j'ai pitié de c'pauvre vieux
Que toutes sortes de peurs étouffent
Alors j'demande avant d'partir
Si tu n'aimes pas c'qui est différent
Tous ceux qui veulent vivre autrement
Tous ceux qui n'veulent que s'en sortir
Si vraiment tu n'aimes personne
Ta vie doit être bien monotone

Et tandis que le train stationne
Je l'abandonne.