Forum Grand Corps Malade et slam

Il y a un vers qui vous rappellera un slam de Fabien. Pour le reste...je vous laisse découvrir


Le plus affûté est l’odorat
Depuis mon premier souffle il est roi
Il aime taquiner ma mémoire
Comme ces effluves s’échappant de l’armoire
La terre chaude mouillée après l’orage
Le lait séché dans mon corsage
Le gâteau de mamie dans le four
Le parfum de ta peau après l’amour
Les odeurs dans la bergerie
Les fleurs d’été dans la prairie
La vieille quatre-cent-quatre de mon père
La Bétadine avant qu’on m’opère.
Qu’elles soient piquantes ou enivrantes
Ces senteurs subtilement me hantent.

J’espère garder mes sens en éveil
Jusqu’au soir du dernier sommeil.

Le moins performant est la vue
S’étant d’une paire de lunettes pourvu
Dès les premières pages d’écriture
Aux premières photos de nature
Mais chaque couleur sur ma rétine
Me met dans une joie enfantine.
Quand mes yeux se lèvent sur l’horizon
J’oublie mes peines et leurs raisons.
Au travers de mon objectif
Se composent des tableaux naïfs
Qui m’émerveillent et m’enthousiasment,
Tant de beauté comme des orgasmes
Qui m’éblouit sans crier gare
Comme des baisers sur mon regard.

J’espère garder mes sens en éveil
Jusqu’au soir du dernier sommeil.

Le plus troublant est le toucher
Celui que j’essaie de cacher.
Il rêve de caresser ta peau
Faire glisser des foulards du chapeau
Mais il se sait trop maladroit
Et tâte que tu n’attrapes pas froid
Te couvre des étoffes les plus douces
Veut se faire matelas de mousse
Ou le vêtement que tu enfiles
Au plus près de toi il jubile.
Mes lèvres en sont le prolongement
Qui n’attendent que le firmament
C’est un sens qui se montre farouche
S’il pressent qu’il est sur la touche.

J’espère garder mes sens en éveil
Jusqu’au soir du dernier sommeil.

Le goût est un épicurien
Qui savoure tous ces petits riens
Du simple carré de chocolat
Aux retrouvailles autour d’un bon plat.
Il a le nez pour partenaire
Jalouse sa mémoire exemplaire
Mais il analyse mon présent
Avec la passion de l’artisan
Pour mettre en émoi ses papilles
Oublie le piment ou la vanille
Allons vite cueillir les cerises !
Je croquerai tes joues à ma guise
Ronde en bouche, j’emplis le palais
Je t’initierai, s’il te plaît.

J’espère garder mes sens en éveil
Jusqu’au soir du dernier sommeil.

Nous terminons ainsi par l’ouïe
Je veux t’entendre me dire ce « oui ».
C’est un sens qui me joue des tours
Pouvant à la musique être sourd
Mais reconnaissant entre mille
Une voix, celle de Pierre, Paule, Gilles.
Il fait jaillir de mon passé
Le rire du cousin décédé
L’accent flamand de mon grand-père
Le ton de ma mère en colère.
Tes mots sont autant de murmures
Comme une pommade sur mes brûlures
Ils colorent et embaument mes jours
Ils tapissent ta bouche, mon amour.

Je peux dormir sur mes deux oreilles
Contre toi mes sens restent en éveil.